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Le socle de la Lune

Y a-t-il un autre sol sous le sol ?

L’éclipse de soleil, vue de la Lune, ressemble à ça : une pupille noire qui se promène à la surface de la Terre. Une ombre projetée, ondoyant à la vitesse de l’astre. Et nos bras qui tentent vainement d’appréhender l’insaisissable.
Ou de voir ce qui doit être imaginé, ainsi des yeux fermés regardant l’intérieur comme s’il en allait d’un ailleurs lointain, invisible.

La lumière suit son cours, donc. Directe, affûtée, propageante. Mais non traversante. Le corps de la Lune est là pour retenir ses grains ; une poussière de lumière s’amoncelle au creux des cratères séléniques. Quel curieux sédiment que ces strates apposées les unes aux autres, à force d’ensoleillement.
Et nos yeux alors, sont-ils couverts de poussière aussi, lorsqu’on tente d’observer le cercle pâle qui éclaire nos nuits ?

Le noyau du satellite fait écran. Aux ondes lumineuses, aux corpuscules infra-minces qui pourraient bien constituer la masse épidermique de l’astre, bloqués qu’ils sont à leur passage par cette roche primitive. Une plèvre cristalline enveloppe ainsi un poumon rocheux originel.
Quelle respiration imaginer à cet organe céleste ? semble s’enquérir notre œil ancré sur Terre.

C’est un mouvement de résurgence qu’il faudrait pour libérer les formes du sous-sol et la gangue cristalline. Une chape qui cèderait, devenue trop mince pour contenir le pouls d’un outre-sol reprenant vie.
Un échange de flux entre une pierre renaissant de ses souvenirs et une lumière aux trajectoires diffractées, rayonnantes par-delà corps, ombres et socles.

Emeline Eudes
Docteur en esthétique, sciences et technologies des arts
Université Paris 8

Texte présenté lors de l'exposition Corps Bloquant avec Marie-Sybille Lainé à la Générale en Manufacture, Sèvres